Une tradition n’est, au fond, qu’une innovation réussie.
En cette rentrée et depuis quelques années, on apprend ici et là que certains domaines prestigieux et d’autres plus modestes, quittent les contraintes de l’Appellation pour la liberté offerte par les Vins Sans Indication Géographique. J’aimerais, en tant que Président de la CNAOC et un des garants de notre politique française de qualité, rappeler un certain nombre de fondamentaux.
L’AOC est avant tout une promesse de typicité : elle exprime un terroir, un climat et un savoir-faire collectif, donnant aux vins une identité organoleptique et culturelle unique. C’est ce qui distingue les appellations des VSIG et qui explique leur reconnaissance mondiale. Revendiquer une AOC suppose de respecter un cahier des charges contrôlé, mais ces contraintes offrent en échange de nombreux avantages : développement commercial, force du collectif, repères clairs pour le consommateur, protection contre les contrefaçons, valorisation et notoriété nationale et internationale. C’est ce qui explique que 95 % de la production viticole française reste aujourd’hui sous AOC ou IGP.
Certains estiment que l’appellation freine l’innovation, notamment face au changement climatique. Or, le cadre de l’AOC n’est pas imposé de l’extérieur : il est défini collectivement par les vignerons au sein de l’INAO et peut évoluer. Une tradition n’est, au fond, qu’une innovation réussie. Les pratiques le prouvent : l’irrigation se développe sur le pourtour méditerranéen, l’introduction de VIFA, les dispositifs d’évaluation et de partage des innovations… tout cela illustre la capacité des appellations à s’adapter dans le respect de la typicité et de l’environnement.
En revanche, quitter l’appellation, c’est aussi renoncer à des atouts essentiels : l’usage d’un nom géographique, la mention d’un cru ou encore le terme « Château ». On ne peut vouloir les avantages de l’AOC tout en s’en affranchissant. Construire sa notoriété grâce à l’AOC et ensuite renier ce collectif ne permettra pas d’entraîner la filière dans les adaptations indispensables face aux défis climatiques. La diversité fait la force, et ensemble nous sommes plus forts. Pour cette raison, nous ne fermerons jamais la porte à ceux qui quittent les AOC. Ils seront toujours les bienvenus dans le collectif, le dialogue sera toujours ouvert de notre côté. J’irai même plus loin, nous avons besoin de ces forces vives pour évoluer, mais évoluer ensemble.
En guise de mot de la fin, l’AOC est un outil vivant et souple, sans cesse en évolution. Grâce à l’INAO et aux professionnels, elle conjugue identité et innovation, garantissant ainsi la pertinence et la solidité du système pour l’avenir. C’est à nous de la faire vivre.
Soyez fiers de produire de l’AOC. Bonnes vendanges à toutes et à tous.
Jérôme BAUER, Président de la CNAOC, vigneron en Alsace.
