Sanctions américaines contre le vin : Danger sur le vignoble, la filière se mobilise

Sanctions américaines contre le vin : Danger sur le vignoble, la filière se mobilise

Depuis le 18 octobre 2019, les Etats-Unis appliquent une taxation de 25 % sur les vins tranquilles français. Le gouvernement américain menace désormais d’augmenter le niveau de taxation et d’étendre le champ des produits concernés. Ces sanctions risquent d’affaiblir durablement la viticulture française. La CNAOC et la filière viticole se mobilisent.

Quels vins sont concernés par la taxation américaine ?  

Les sanctions américaines s’appliquent aux vins français ayant une teneur en alcool inférieure ou égale à 14° et conditionnés dans des contenants inférieurs à 2 litres. Désormais, les produits concernés se voient appliqués des droits supplémentaires de 25 % dès leur entrée sur le territoire américain. Le représentant américain du commerce réexamine actuellement ces sanctions et menace de les étendre à d’autres produits comme les vins mousseux et les spiritueux. Il menace également d’augmenter le niveau de taxation jusqu’à 100 %.

Pourquoi les Etats-Unis taxent-ils les vins français ?

La décision américaine fait suite à l’affrontement juridique dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) entre les Etats-Unis et l’Union Européenne à propos des subventions accordées par certains pays européens (dont la France) à l’avionneur Airbus. L’OMC a donné raison aux Etats-Unis qui jugeaient les subventions européennes illégales et a autorisé les américains à imposer des sanctions douanières en représailles. Les Etats-Unis ont décidé d’appliquer une hausse des droits de douane sur différents produits européens comme les vins français, les olives espagnoles ou les fromages italiens. En parallèle à ce conflit commercial, le représentant du commerce américain a annoncé la mise à l’étude de sanctions commerciales contre la France en raison de la mise en œuvre de la taxe sur les services numériques (appelée aussi « taxe GAFA ») que les USA jugent discriminatoire à leur endroit. Là aussi, la filière vin française est sous la menace de droits à 100%.

Que représente le marché américain pour la filière vitivinicole ?  

En 2018, l’export de vins et spiritueux français aux Etats-Unis a représenté 3,2 milliards d’euros (sur 13 milliards d’€ au total pour l’ensemble des vins et spiritueux exportés). Pour les seuls vins non effervescents, il représente environ 1 milliard d’euros de chiffre d’affaire chaque année. Il s’agit du 1er marché à l’export pour les vins et spiritueux français. Les Etats-Unis sont également le 1er marché de consommation de vin au monde. C’est un marché en forte croissance et très solvable, ce qui en fait un marché irremplaçable pour les entreprises vitivinicoles françaises. L’imposition durable d’une taxe américaine risque de faire sortir massivement les vins français du marché américain, qui seront rapidement remplacés par d’autres produits plus accessibles car moins taxés (vins italiens, vins du nouveau monde). A l’heure actuelle, aucun marché n’est en mesure d’absorber les vins qui n’iront pas sur le marché américain. Les vins vont donc se retrouver sur le marché européen et national qui sont déjà en berne.

Quelle est la position du gouvernement et des pouvoirs publics français ?

A plusieurs reprises, la CNAOC et des représentants de la filière viticole ont sensibilisé le gouvernement et les pouvoirs publics. En réponse, le 16 décembre dernier, lors du conseil des ministres européens de l’Agriculture, Didier Guillaume le ministre de l’Agriculture français a demandé à la Commission Européenne de renforcer les soutiens à la filière vitivinicole. L’Union Européenne a ensuite accordé plusieurs mesures de simplification des fonds de promotion pour inciter les entreprises concernées à se tourner vers de nouveaux marchés. La CNAOC et l’ensemble de la filière viticole ont appelé à la mise en place rapide d’un fond de compensation des entreprises viticoles impactées pour éviter qu’elles perdent des parts de marché. Elle a aussi demandé au gouvernement de suspendre provisoirement l’application de la taxe sur les services numériques pour éviter que de nouvelles sanctions américaines soient appliquées*. La CNAOC et l’ensemble des organisations de la filière refusent que la filière viticole soit une victime collatérale d’un conflit qui ne la concerne pas.

Comment la mobilisation se poursuit-elle ? 

Début janvier, l’Association Nationale des Elus de la Vigne et du vin (ANEV), qui représente les parlementaires et les collectivités (communes, région, département) de territoires viticoles, a transmis à l’ensemble des collectivités viticoles une motion de soutien à la filière vin à faire adopter par les conseils municipaux, départementaux et régionaux. Cette initiative a été relayée par la CNAOC, ses fédérations régionales et l’ensemble des Organismes de Défense et de Gestion (ODG). Plusieurs communes viticoles ont d’ores et déjà adopté la motion et le maire de Bordeaux a appelé ses collègues à se mobiliser. Le 22/01 dernier, auditionnée avec la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux (FEVS) par le groupe d’études viticoles de l’Assemblée Nationale, la CNAOC a rappelé aux députés l’importance de leur soutien pour obtenir la mise en place d’actions fortes au niveau national. Enfin d’autres actions sont en préparation pour limiter l’impact de cette catastrophe annoncée pour le vignoble.

 

* Selon les échos du 22/01, au forum de Davos, la France et les Etats-Unis sont parvenus à un accord concernant la taxe GAFA : la France serait disposée à suspendre le paiement des acomptes par les GAFA de leur impôt. En contrepartie, les Etats-Unis s’engageraient à ne pas relever les droits de douane sur les vins français. A l’heure ou cet article est écrit, cette décision n’a pas encore été confirmée officiellement à la CNAOC.