Rapport sur la transmission familiale des exploitations viticoles

INTERVIEW Eric GIRARDIN, député de la Marne.

Rapport sur la transmission familiale des exploitations viticoles

1/ Vous avez échangé avec des représentants de différents vignobles ou le prix du foncier est particulièrement élevé. Comment se traduisent les difficultés de transmission des exploitations familiales dans ces vignobles ?

A la suite d’une lettre de mission de Jean Castex, j’ai eu la chance de rencontrer et d’échanger avec des représentants des vignobles désignés par le Premier Ministre : Cognac, Bourgogne, Bordeaux, Alsace et Champagne mais aussi des représentants nationaux de la viticulture comme la CNAOC.

Les problématiques sont très proches. Les vignerons rencontrent tous des difficultés pour la transmission familiale de leurs exploitations et du foncier afférent. Des réponses existent mais qui nécessitent une forte anticipation pas toujours compatible avec l’effet de surprise créé par la rapidité et l’ampleur de l’augmentation des prix. Les auditions ont aussi souligné des lacunes en termes d’information, d’expertise et d’accompagnement.

2/ Dans ces vignobles, le modèle d’exploitations familiales est-il menacé ? Ce risque existe-t-il aussi pour les autres vignobles ?  

Oui, le risque existe de voir notre modèle disparaitre au profit d’un modèle purement spéculatif. Avec la fin des exploitations familiales, cela serait la fin du travail des femmes et des hommes qui, dans les vignes, font d’un terroir unique, des produits d’exception, connus et reconnus dans notre pays comme dans le monde.

Cette question n’est pas unique aux régions définies dans la lettre de mission. Ces questions se posent dans l’ensemble des territoires viticoles où il existe une décorrélation entre le prix du foncier et sa rentabilité.

3/ Quels sont les axes prioritaires pour faciliter les transmissions familiales ?

Les personnes auditionnées ont exprimé une demande forte de simplification et de stabilité. C’est pourquoi mes propositions d’évolution s’appuient sur l’amélioration ou l’extension de dispositifs existants.

Parmi l’ensemble de mes recommandations, j’en citerai cinq :

– Proposer une exonération totale de fiscalité sur les droits de mutation dans le cadre de foncier détenu via un bail rural à long terme sous contrainte de durée de détention de 25 ans ;

– Formaliser un plan d’actions à l’échelle de chaque vignoble pour amplifier et généraliser les actions de sensibilisation et d’information des propriétaires en mobilisant les organisations professionnelles agricoles et les professionnels du conseil ;

– Augmenter pour les donations l’abattement de droit commun de 100 000 euros en ligne directe pour le faire passer à 150 000 euros et réduire les taux d’imposition pour les transmissions d’oncles/tantes à neveux/nièces ;

– Raccourcir le délai nécessaire, de quinze à dix ans, pour recharger les plafonds d’exonération tant celui prévu à l’article 784 du CGI (abattement de droit commun) que celui prévu à l’article 793 bis (bail à long terme) ;

– Coordonner les démarches de transmission et d’installation en créant un guichet unique de la transmission articulé avec le guichet de l’installation ;

Je considère que les propositions présentées dans mon rapport ont vocation à concerner l’ensemble des vignobles, et sans doute à l’ensemble du secteur agricole lui aussi confronté aux mêmes difficultés de transmission.

4/ Comment comptez-vous faciliter la traduction en actes des recommandations de votre rapport ? 

Les conclusions de mon rapport prennent tout leur sens au regard de l’actualité marquée par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine et leurs conséquences dans le domaine de l’agriculture qui rappellent l’importance de l’indépendance stratégique de la filière pour l’équilibre des échanges agroalimentaires de la France et sa souveraineté.

Dans le projet présidentiel qu’Emmanuel Macron a présenté aux Françaises et aux Français au printemps, il est clairement indiqué une future loi d’orientation agricole en trois volets dont l’un sur la transmission et l’installation des jeunes et je pense que mes propositions pourront y être intégrées.

De plus, dès la préparation de la prochaine loi de finances, j’œuvrerai pour la mise en place de certaines de mes préconisations dès 2023.

ITW réalisé par la CNAOC juin 2022