Après plusieurs années de mobilisation, c’est une victoire importante pour les vignerons d’AOC. Le parlement vient d’adopter le 5 juin dernier, la proposition de loi pour lutter contre les friches viticoles. Une réponse concrète à une problématique sanitaire, environnementale et paysagère majeure, rendue possible grâce à l’action concertée de la CNAOC et de ses fédérations.
« Que ce soit dans la Loire, à Bordeaux ou dans le Sud, depuis des années, nous alertons : les vignes abandonnées se multiplient et ne sont pas de simples terrains en attente de projet, elles sont de véritables bombes sanitaires. Le vote de cette loi est une réponse attendue par nos vignerons depuis longtemps et le résultat d’un travail syndical mené par la CNAOC avec l’appui des fédérations régionales (notamment la FGVB, le Muscadet, l’AVA et le Beaujolais) et des parlementaires sensibilisés sur le terrain, tels qu’Hubert OTT, l’auteur de cette proposition de loi, avec qui nous avons travaillé de concert et que je remercie vivement. » souligne Jérôme BAUER, Président de la CNAOC.
La flavescence dorée et d’autres pathogènes trouvent – dans ces friches – un refuge idéal, mettant en péril les parcelles voisines. Les études menées par l’Institut Français de la Vigne (IFV) démontrent qu’une friche génère une pression sanitaire 9 à 12 fois supérieure à une parcelle entretenue. L’influence de ces parcelles non-cultivées peut alors s’étendre jusqu’à 150 mètres, compromettant les efforts des viticulteurs voisins pour protéger leurs vignes.
De nouvelles perspectives s’ouvrent avec l’adoption de cette proposition de loi sur les friches viticoles : « c’est un véritable outil de dissuasion, graduel, plus efficace et rapide. » souligne Jérôme BAUER.
Qu’est-ce que ce texte change concrètement dans le vignoble ?
Cette mesure-outil se veut efficace et incitative pour lutter contre la prolifération de la flavescence dorée dans le vignoble en zones de lutte obligatoire, ce qui est le cas des vignobles de Bergerac et de Duras. Elle vise à responsabiliser les propriétaires tout en permettant une action rapide lorsque l’intérêt collectif est menacé : le passage d’une sanction délictuelle à une sanction contraventionnelle (1 500 euros la parcelle) permettra d’accélérer le traitement des dossiers via une approche forfaitaire, avec une réponse simplifiée par étape.
Les points clés :
- Détection locale : Le recensement repose sur un diagnostic objectif, réalisé en lien avec la FVBD via ses contrôles AOC et son réseau de techniciens viticoles, le GDON du bergeracois et les chambres d’agricultures locales en coordination avec les services de l’Etat (SRAL)…
- Mise en demeure : si une parcelle est identifiée comme friche, une mise en demeure est adressée au propriétaire. Celui-ci dispose d’un délai de six mois pour remettre la parcelle en état (arrachage, remise en culture lorsque c’est possible).
- Droit d’intervention : si le propriétaire reste inactif, une collectivité, la SAFER ou un ODG peut demander à gérer temporairement la parcelle, dans le but de la remettre en culture. Cette mesure, inspirée du droit forestier, respecte le droit de propriété mais protège l’intérêt viticole collectif.
- Sanction dissuasive : en cas de refus d’entretien, le propriétaire s’expose désormais à une amende forfaitaire (contravention de 1 500€ à la parcelle) ainsi qu’à la possibilité pour les collectivités de faire exécuter les travaux d’office, aux frais du propriétaire.
Des avantages pour toute la filière viticole avec cette nouvelle mesure :
– réduire la pression sanitaire et économique : alléger le nombre de traitements phytosanitaires nécessaires sur les parcelles voisines des friches, les surtraitements par les voisins ont un coût certain.
– préserver l’image paysagère et patrimoniale des appellations, souvent dégradée par les zones laissées à l’abandon, qui sont parfois au cœur de parcours oenotouristiques.
– limiter les conflits de voisinage, fréquents dans les bassins viticoles touchés par l’abandon de parcelles de vignes.
Et après ? Quid des bassins hors lutte obligatoire ?
Le travail ne s’arrête pas là. Car les friches viticoles concernent tous les bassins viticoles, y compris ceux en dehors de la zone de lutte obligatoire (tels que l’Alsace ou la Loire). L’objectif pour les vignerons d’AOC est de dépasser le simple périmètre de la flavescence dorée pour faire prendre en compte l’impact des maladies cryptogamiques et plus largement de prévenir la pression sanitaire dans tout le vignoble, au-delà des zones réglementées.
Afin de renforcer l’argumentaire à soumettre au législateur pour en étendre le périmètre, deux études complémentaires vont être menées en Vallée du Rhône et en Alsace, dans le but de démontrer que l’ensemble du territoire national est concerné.
Par ailleurs, le rapporteur de cette proposition de loi au Sénat, l’audois Sébastien PLA, souhaite travailler de concert avec la filière viticole sur la gestion et la protection du foncier : « Pour assurer une meilleure gestion et davantage de mobilité du foncier, il est nécessaire de poursuivre la réflexion sur la protection des terres viticoles en tenant compte des enjeux de compensation liés au développement des énergies renouvelables, comme du recul prononcé du vignoble dans certaines régions françaises (hors arrachage primé et hors problématique sanitaire). Il en va ici du devenir de la filière comme de nos paysages, et plus généralement de l’identité de nos régions. Pour cela, nous aurons à utiliser une boite à outil élargie : établissement Public Foncier, mise en œuvre de fonds collectifs… ».
La CNAOC travaille également, par le biais de ses fédérations, à des dispositifs d’accompagnement des propriétaires disposant de friches pour aider à leur arrachage. Les initiatives régionales sont recensées afin d’identifier des solutions de financement comme le reboisement dans le cadre du label bas carbone ou la compensation environnementale.
La FVBD très impliquée dans ce dossier, a déjà rencontré la préfète de la Dordogne pour l’alerter sur les conséquences graves des friches dans le vignoble. Nous attendions la parution de ce nouveau texte de loi pour mettre en place un dispositif local avec les services de l’Etat. A suivre donc.